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Crise au Parti Québécois : les multiples facettes du désarroi national

Une excellente réflexion d’Antonin-Xavier Fournier parue dans Le Devoir du 2 septembre vient apporter un éclairage de haut vol à la crise que traverse actuellement le Parti Québécois et, plus largement, le nationalisme québécois.

Pour l’auteur, cette crise s’explique principalement par la perte de conscience nationale due à la disparition des crises politiques qui ont jadis attisé la flamme nationaliste et par le caractère de plus en plus abstrait des revendications nationales (pensons, par exemple, à la non-signature de la Constitution canadienne par le Québec ou à la revendication de pouvoirs dans le domaine des communications).

Le jeune professeur de sciences politiques au Cégep de Sherbrooke rappelle également deux autres facteurs évoqués par les commentateurs pour expliquer le déclin du nationalisme québécois, soit la reconquête (relative) de l’économie québécoise par les francophones et l’idéologie du multiculturalisme qui considère que la culture majoritaire n’en est qu’une parmi d’autres.

M. Fournier observe avec perspicacité que «depuis le référendum de 1995, […] la scène politique québécoise n’est plus alimentée par les tensions nationales. […] En refusant systématiquement d’entrer sur ce terrain fertile, les partis fédéralistes coupent l’un des fondements les plus profonds du nationalisme québécois: le sens de l’histoire.» Les commentaires à l’article publiés sur le site du Devoir montrent que l’analyse semble exacte à un bon nombre de personnes, même si certains nationalistes semblent plus pressés de trouver des «solutions» que d’approfondir davantage la réflexion.

Je vais donc tenter de le faire en prenant encore un peu plus de recul.

Il faut se souvenir que l’apparition du nationalisme québécois, au début des années 1960, était parfaitement en phase avec l’époque qui a marqué l’apogée du mouvement mondial de décolonisation. Au même moment, les mouvements de guérilla foisonnaient en Amérique Latine et Fidel Castro renversait la dictature de Batista. Le Québec s’est joint, à sa manière, à cet élan libérateur.

Aujourd’hui la conjoncture mondiale est dominée par la crise financière, la crise environnementale et la déplacement  du pouvoir économique vers les pays dits «émergents». Et, en général, le discours nationaliste est battu en brèche sauf dans certaines parties du monde où les discriminations ethniques ne laissent qu’une issue.

Au Québec, les crises ressenties comme telles par la population sont avant tout des crises internes : celles du système de santé, des transports et, dans une moindre mesure, de l’éducation et de la langue. Rien de cela n’a directement à voir avec la «question nationale». Il n’est donc pas étonnant que la population perçoive moins la pertinence du discours nationaliste.

Les préoccupations d’une  nouvelle génération
En 2009, lors du sommet de Copenhague sur l’environnement, Antonin-Xavier Fournier s’est demandé si le discours environnemental pourrait être le moteur du changement social et la souveraineté un moyen de s’attaquer vraiment aux défis environnementaux. Ce qu’il faut noter, dans cette interrogation, est la préséance de la conjoncture et des problèmes globaux dans la définition des priorités politiques locales. Je ne peux m’empêcher de faire un parallèle avec la conjoncture globale du début des années 1960. Et s’il y a une observation plutôt facile à faire, ce serait que la multiplication des moyens de communication et des échanges réels au niveau mondial renforce un peu plus l’influence du contexte global dans la conception et la perception des problèmes locaux.

J’ai été frappé, cet été, lors d’un voyage en France par les similitudes de culture et d’apparence entre les jeunes Français et les jeunes Québécois. Bien sûr, il s’agit d’une impression très intuitive mais je ne pouvais m’empêcher de sentir qu’au-delà des spécificités locales, la sensibilité de cette jeunesse avait plus de points communs que de différences.

Et il semble assez évident que le discours nationaliste québécois ne s’est absolument pas ajusté à l’évolution de la conjoncture globale. Comme le dit Antonin-Xavier Fournier,«les revendications nationales prennent donc de plus en plus une dimension abstraite qui ne trouvent plus d’ancrage dans la société québécoise.»

Il n’est donc pas étonnant que les Québécois soient attirés par des discours davantage tournés vers les problèmes concrets, soit carrément à droite (ADQ), au centre-droit (la Coalition pour l’avenir du Québec de M. Legault), soit plus à gauche (Québec Solidaire).

Évidemment, la question nationale continue d’être un élément de la dynamique politique québécoise, mais elle est  reléguée au second plan et l’indépendance a cessé, en pratique, de pouvoir être une fin en soi («la condition normale d’un peuple normal»). Elle ne pourra être qu’un moyen en vue de fins.

Malheureusement pour le Parti Québécois, les États généraux de la souveraineté risquent de venir un peu tard et, surtout, il serait très surprenant que ceux qui y participeront aient l’audace des grandes remises en question.

Pendant ce temps…
…vous n’avez pas pu ne pas remarquer comment Jean Charest concentre ses attaques sur François Legault, le provoque, le somme de préciser ses intentions, etc. Il peut se contenter de négliger Mme Marois pendant qu’elle se dépêtre dans sa gestion de crise en sachant qu’il pourra l’achever par quelque remarque assassine sur l’état de son parti.

Les prochains mois  seront probablement déterminants pour l’alignement définitif des forces en vue du prochain scrutin. Tout me semble reposer sur la capacité de François Legault de se distancer suffisamment des positions de l’ADQ pour attirer un large électorat ayant envie qu’on prenne les problèmes concrets du Québec à bras le corps mais sans tomber dans les solutions simplistes et sans être sous la coupe des entrepreneurs du Québec. Cet équilibre ne sera pas facile à atteindre. Mais, en ce moment, la fluidité des choses est telle qu’on ne peut exclure une situation inédite où un parti formerait un gouvernement (majoritaire ou minoritaire) en ayant recueilli autour de 30% des votes.  La pertinence de la représentation proportionnelle ou d’une modification importante du mode de scrutin pourrait devenir un thème majeur du débat politique au Québec.

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Classé dans Politique québécoise, Question nationale québécoise