Postmodernité, religions et laïcité

Le soir tombe et la pièce est déjà dans la pénombre. Je m’agenouille sur le tan, ce mince matelas qui amortit le contact des genoux avec le sol, et glisse le banc de méditation sous mes fesses. Après 20 ans de pratique, le rituel répété tant de fois me permet d’entrer rapidement dans l’espace d’attention où l’agitation du mental se calmera un peu. Le simple fait de m’asseoir ainsi provoque la même sensation que celle d’entrer dans un espace sacré où règne le silence propice – et indispensable – au recueillement.

J’entends le doux ronronnement du réfrigérateur et le très léger chuintement de l’échangeur d’air. Je sens naître un léger sourire sur mon visage à la pensée que cet instant est complet. Comment expliquer cela? Comment comprendre le fait que je ne me sens jamais autant vivant que dans la parfaite immobilité du corps et de l’esprit, simplement à l’attention?

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J’ai sous les yeux un texte s’en prenant violemment à toutes les formes de religion, signé par une professeure de philosophie et paru il y a quelques mois sur quelques sites web. Les gens pratiquant une religion y sont qualifiés sans discrimination de «fous de Dieu» et toute ouverture à la manifestation du religieux dans l’espace public est considérée comme un assaut contre les libertés et une tentative des religions de contrôler l’État, les esprits et les moeurs. Le moins qu’on puisse dire est que ce texte rempli du plus profond mépris pour les religions et ceux qui les pratiquent ne contient pas beaucoup d’amour ni même la forme la plus élémentaire de respect des individus. L’intolérance que l’auteure reproche aux religions leur est retournée sous la forme d’une d’inquisition à rebours pourchassant sans merci le religieux en tant que manifestation d’une sorte de Mal absolu. Cette croisée du laïcisme se serait probablement sentie à l’aise parmi les inquisiteurs…

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Je ne sais pas si j’aurais eu le même engagement spirituel si je n’avais vécu, il y a fort longtemps, une brève mais déterminante épiphanie1 de nature non-duelle. Je sais (ou je crois savoir) que c’est ce type de rencontre avec  l’ineffable qui a constitué le fondement de toutes les grandes religions. Ce que Mircea Éliade a appelé la rencontre avec le sacré. Le problème est que cette sorte d’expérience n’est transmissible d’aucune façon, car elle n’est ni conceptualisable, ni médiatisée par les sens. Cependant, lorsqu’on essaie de la communiquer (et la personne qui la vit, se trouvant transformée par l’expérience, ne peut pas vraiment la cacher), elle est interprétée dans un contexte culturel particulier, autant par celui ou celle qui l’a vécue que par ceux et celles qui en reçoivent le témoignage.

Il y a donc à la fois un décalage entre la réalité et son expression, et une inévitable déformation/interprétation. Dans ce sens,  toutes les religions trahissent la réalité se trouvant à leur origine commune. Le problème a été bien résumé dans le dicton oriental avertissant le chercheur de ne pas regarder le doigt qui pointe vers la lune mais la lune elle-même. Le discours religieux ne peut pas être autre chose que le doigt. Malheureusement, les fondamentalistes, religieux ou laïcs, mordent le doigt et ne voient que lui.

Même si je ne m’identifie à aucune religion ou croyance particulière, je me sens désormais à l’aise de dire que je suis une personne religieuse. Et bien qu’il soit nécessaire de distinguer religion, dans son acception courante de pratique rituelle et de système de croyances, et spiritualité (toute forme d’étonnement ingénu envers le mystère de l’existence), je n’ai aucune réticence à me considérer entièrement relié au monde. L’étymologie du mot «religion» faisant directement référence à ce lien, je m’empare donc du mot «religieux» et lui confère un sens universel et fondamental.

Les attaques récentes et continues contre l’idée de «laïcité ouverte» et la présence de la religion dans l’espace public, en provenance du Mouvement laïc québécois, du Conseil du statut de la femme et du Collectif citoyen pour l’égalité et la laïcité, ne distinguent pas le doigt et la lune. Si je peux endosser à peu près toutes les positions de ces organismes en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes, de la nécessaire séparation de l’État et de la religion et des limites que la vie en société impose à la liberté de religion, considérer les religions comme des formes de pensée rétrogrades, malsaines et antirationnelles, à extirper de l’espace public et des esprits, les réduit  à certaines caractéristiques historiques très limitées. Cette position extrémiste a un aspect fanatique qui la place en fort mauvaise compagnie. Et qu’on présente des discours remplis de haine, de colère et d’autres émotions fortes comme le summum de la rationalité me laisse pantois.

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Les discussions actuelles sur la forme que devrait prendre la laïcité dans notre société ignorent généralement les différents niveaux de compréhension du discours religieux. Tout est ramené à la recherche de l’équilibre entre, d’une part, les droits individuels et la liberté de conscience et, d’autre part, la nécessaire «neutralité» des institutions communes et l’acceptabilité sociale de certaines moeurs parfois en contradiction avec les valeurs fondamentales de la société. Comme la discussion concerne principalement les manifestations publiques de la religion et les institutions sociales, il est normal qu’on se concentre à ce niveau. Mais on aurait tort de croire qu’on peut évaluer «objectivement» ces manifestations, sans tenir compte des diverses interprétations qu’on peut en faire, tant collectivement qu’individuellement.

Pour les fins de la discussion, admettons, par exemple, que l’opinion commune estime que les religions sont les véhicules par excellence de hautes valeurs morales, valorisées de tous. Les partisans de l’interdiction de tout signe religieux auraient-ils la même attitude envers les religions? Il est probable que non, pour la simple raison qu’il serait absurde et contradictoire de vouloir cacher ce qui est socialement valorisé.

De la même façon que la beauté se trouve dans l’oeil de celui ou celle qui regarde, la compréhension des différents niveaux et aspects de la religion varie d’une personne à l’autre. Mais bien que la compréhension intellectuelle soit nécessaire, elle n’est pas suffisante. Qu’on me permette de citer (en le traduisant), le psychiatre américain Roger Walsh. Son allégorie résume assez bien ce dont il est question.

«Imaginez qu’un animal rencontre un objet qui lui est inconnu.  Cet objet est sombre et léger, il a une odeur qu’il ne reconnaît pas et un goût épouvantable. Il va sans dire qu’il le recrache avec dégoût. Imaginez maintenant qu’une femme appartenant à une tribu qui ne connaît pas l’écriture découvre cet objet. À vrai dire, c’est un curieux objet qui s’ouvre et se ferme, qui est doux et souple et qui possède des marques bizarres à la surface.  Comme elle est intelligente, elle fait rapidement une découverte merveilleuse: l’objet permet de partir facilement un feu. Imaginez alors qu’un enfant occidental découvre l’objet. Il reconnaît immédiatement qu’il s’agit d’un livre mais comme il ne sait pas lire, il n’a aucune idée de ce qu’il contient. Le même objet est alors ramassé par un adulte de notre époque. La personne commence à le lire mais le met rapidement de côté parce qu’elle ne le comprend pas et qu’on y fait de bizarres assertions sur la nature de la réalité. Le livre tombe alors entre les mains d’un physicien. Il l’ouvre et est émerveillé de reconnaître une nouvelle et éclairante vision de la physique quantique. Finalement, le livre tombe entre les mains d’une femme qui est à la fois physicienne et contemplative. Elle aussi apprécie la brillante démonstration de physique et la nouvelle compréhension qui en est offerte, tout en reconnaissant simultanément l’impossibilité de saisir la nature fondamentale de la réalité à l’aide de mots et de concepts.»

«Cette histoire simple introduit plusieurs idées cruciales. Tout d’abord, les perceptions de l’animal, de l’enfant et de l’adulte analphabète étaient toutes correctes. L’objet ne se mange pas, il est utile pour partir un feu et c’est un livre. Cependant, leur perception et leur compréhension étaient également partielles et ne leur permettaient pas de savoir que l’objet possédait des significations de niveaux plus élevés attendant d’être comprises. Le point important est de se rendre compte que nous pouvons passer complètement par dessus ces niveaux de signification plus élevés et, en même temps, ignorer que nous le faisons. Dans sa critique remarquée du matérialisme scientifique, A Guide for the Perplexed (1977),  l’économiste britannique E.F. Schumacher a bien décrit le dilemme:

Lorsque le niveau de la personne qui connaît ne correspond pas au niveau (de signification) de l’objet de la connaissance, il n’en résulte pas une erreur factuelle mais quelque chose de plus sérieux: une vision inadéquate et appauvrie de la réalité.

[…]Le plus troublant est que nous nous réalisons pas que des niveaux plus élevés nous échappent. Une approche purement intellectuelle est inadéquate dans les domaines transpersonnel et spirituel. La compréhension intellectuelle est importante mais non suffisante.2»

Ceux et celles qui voudraient voir disparaître les religions de la surface de la Terre passent à côté de leurs niveaux de signification plus profonds et ne le savent même pas. Si certaines des critiques adressées aux religions sont justes, elles sont aussi partielles et, dans un sens, ne concernent que des éléments de surface, variant considérablement d’une époque à l’autre, d’une société à l’autre et d’une personne à l’autre. Il serait tragique que cette vision inadéquate et appauvrie de la réalité s’impose comme la seule qui soit légitime.

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J’ai commencé ce texte en faisant référence à ma pratique de méditation parce que j’estime qu’elle illustre une réalité qui me semble évidente et sur laquelle les laïcistes les plus intransigeants devraient être d’accord. À savoir qu’il est impossible à une personne vivant aujourd’hui en Occident, intellectuellement ouverte, moyennement informée des diverses traditions spirituelles, réfléchissant selon les canons de la méthode scientifique et ayant une vision évolutionniste de la réalité, de croire qu’une tradition spirituelle quelconque possède La vérité. Cela serait en contradiction avec tout le reste. Toutes les grandes traditions pointent dans la même direction, même si elles utilisent des mots et privilégient des angles d’approche un peu ou très différents. Elles sont toutes un doigt et on ne peut pas les considérer autrement. Mais l’important, c’est la lune.

C’est la raison pour laquelle les discours laïcistes qui combattent les visions traditionnelles de la religion, condensées autour de la lettre de leurs récits fondateurs, s’attaquent, en fait, à quelque chose de passé. Bien sûr, quantité de gens croient encore que ces récits mythiques doivent être compris littéralement, mais un esprit en phase avec l’époque et l’état des connaissances ne le peut pas.

Il n’est pas nécessaire (et c’est même peut-être contre-productif) de combattre la présence de la religion dans l’espace public pour défendre et mettre de l’avant les valeurs fondamentales des sociétés modernes et postmodernes. L’égalité entre les hommes et les femmes, la liberté de conscience, la démocratie et les moeurs socialement acceptables ne se définissent pas par rapport et en opposition aux religions. Mais ces valeurs fondamentales méritent certainement d’être inscrites dans les chartes qui définissent les conditions et les moyens de notre vivre ensemble.

Notes
1- Une épiphanie est la connaissance intuitive et spontanée d’une réalité. La tradition orientale se sert généralement du mot «éveil» pour désigner le même phénomène. Mais la tradition chrétienne a oublié le sens premier du mot et l’associe le plus souvent uniquement à la fête religieuse du même nom. Un exemple de plus d’une compréhension inadéquate et appauvrie.

2 – The State of the Integral Enterprise, Roger Walsh, Journal of Integral Theory and Practice, vol 4, no 3, 2009

4 Commentaires

Classé dans Laïcité, Religion

4 réponses à “Postmodernité, religions et laïcité

  1. Je ne suis pas certain que l’expérience de la spiritualité puisse être considérée comme étant à la base de toute religion, même si c’est probablement l’un des rares lieux où la spiritualité trouve un certain accueil dans le contexte de notre culture matérialiste. Il me semble que l’expérience de la spiritualité est d’abord une expérience individuelle, même si elle peut parfaitement se vivre aussi en groupe. Ce qu’on appelle « la religion » me semble plutôt référer à un phénomène proprement social, soit la création de certains systèmes collectifs de représentation et d’interprétation du monde et du sens de la vie, des systèmes qui sont supportés et utilisés par des institutions sociales (des Églises, des Communautés, des États, etc.) et pour lesquelles les religions servent surtout d’idéologies, c’est-à-dire comme une certain façon d’organiser les rapports sociaux, tout particulièrement lorsqu’il faut justifier des rapports de domination..

    Cette nuance étant apportée, je partage tout à fait avec vous le sentiment que les apôtres actuels de la laïcité au Québec (en particulier le Conseil québécois du Statut de la Femme, le Mouvement laïc québécois et le Collectif citoyen pour l’égalité et la laïcité) sont engagés dans une sorte de quête, plutôt délirante à mon point de vue, visant à éradiquer de la surface du globe (et à tout le moins de la surface du Québec) toute forme de manifestation de ce qu’ils désignent comme « les religions ».

    Ils confondent non seulement spiritualité et religion mais aussi l’ensemble des religions avec une sorte de fantasme qu’ils ont construit pour tenter de gommer leur hantise spécifique de l’Islam à l’intérieur d’une catégorie plus englobante. Ils ont élaboré une démarche compliquée (adoption d’une Charte, etc.) dans l’espoir d’éliminer, sur la place publique, la présence de certains signes (appelés « religieux ») dénotant une conception de la vie qui s’écarte de la conception de l’égalité entre hommes et femmes qui est préconisée par la majorité des Québécois actuels.

    En réalité, il ne s’agit nullement de religion dans tout cela mais plutôt de culture et de société, et il me semblerait beaucoup plus sain d’accepter un débat ouvert sur la culture, les valeurs et les institutions du groupe dominant, confrontées à celles de différentes communautés immigrantes. Cela pourrait se faire sans avoir à remettre en question notre consensus actuel sur le principe d’égalité des genres et cela permettrait d’en faire un bilan beaucoup plus riche et plus constructif que celui qui est pris pour acquis dans l’actuel refus du dialogue et l’actuelle volonté de censure.

  2. Gérard St-Onge

    EN RÉPONSE AU RELIGIEUX,…

    Lorsque vous dites ; » …je suis une personne religieuse  » je ne saisis pas la différence dans votre description entre quelqu’un qui dirait ;  » je suis profondément spirituel, je médite régulièrement et cette expérience m’amène une joie incommensurable et me fait toucher l’ineffable etc…  » Il semble s’agir ici d’une expérience individuelle qui produit un résultat tangible de sérénité invitant à en faire une pratique durable.
    Pour moi le mot  » religion  » implique une adhésion à un groupe qui partage une croyance , ou un dogme sur la transcendance appuyé par une pratique et des rituels . On pense tout de suite , Christianisme, Judaisme, Islam,Hindouisme etc,..
    J’ai bien lu l’article de Louise Mailloux et je dois dire que je partage le côté irrévérencieux envers les religions qui y est exprimé . Elle s’attaque au religieux dans l’espace publique faisant ressortir le vieux débat de la séparation Église – État , dont le Québec a eu peine à sortir lors de la révolution tranquille . L’aspect un peu drastique et radical de cette position est la logique qui découle de cette tendance au cas pas cas qui semble se développer au Québec pour tous les demandes d’accommodements à caractère religieux ( hidjab, turban, poignard, niquab ,burka, centre de prière dans l’espace publique, vitre opaque etc,.. ). Devant le danger de dérives toujours plus contraignantes une position claire, la même pour tous, ne m’apparait pas si intolérante ; les religions ont toujours été habituées à une sorte de  » déférence à priori  » qui rend la discussion inégale parfois ; on le sent bien dans la question des abus sexuel des membres de certaines Églises. Il est donc intéressant et important de mettre les points sur les  » i » particulièrement avec ce qui touche au  » religieux  » .
    VOIR : http://www.assnat.qc.ca/fr/video-audio/AudioVideo-32953.html

    Cette position qui peut apparaître radicale a une histoire qui pousse les gens ayant gouté aux outrages des religions ou leur famille à considérer toute demande d’infiltration du religieux dans les rouages de l’État comme un pied dans la porte vers une emprise de plus en plus insidieuse pour y glisser son pouvoir subtil comme s’était le cas ici avec le Catholicisme au siècle dernier.

    Ce point étant dit, je partage ce que vous dites sur l’importance de la dimension spirituelle dans nos vies et aussi la pratique de la méditation qui devient un outil de plus en plus utilisé pour développer le « MINDFULNESS » dans les problèmes psychologiques; on y fait de plus en plus mention dans des articles de journaux psy de bonne réputation.
    Peu à voir avec les religions dans ce cas .

    Comme ce commentaire peut laisser penser que je suis anti-religieux je crois que les principales religions nommées plus haut sont un réservoir d’expériences extrêmement important sur la recherche de sens , la recherche de transcendanse . Mais il ne faut pas oublier que les religions sont capables du sublime et de l’horreur sous le même chapeau de la
    Croyance . Là où le religieux m’interpelle est sa capacité de nous amener vers le sublime, le dépassement, la rigueur, la ferveur, la motivation vers l’autre par des narratifs superbes et touchant sur le plan du coeur ; ex: certaines paraboles du Christ, certaines vies de Saints, le film « des Hommes et des Dieux  » , la sagesse Boudhiste, etc…

    Merci pour ce blog qui nous pousse toujours plus en avant dans notre réflexion.

    Gérard St-Onge
    Rivière du loup

    • Christian Lamontagne

      Je ne discuterai pas longuement votre remarque sur mon utilisation du mot «religieux»: je crois m’être exprimé assez clairement dans le texte original. J’essaie de réhabiliter le mot, d’une manière un peu provocatrice certes, mais c’est aussi une tentative de modifier des perceptions et des compréhensions.

      Mais je m’objecte à votre analyse lorsque vous parlez du « danger de dérives toujours plus contraignantes» à propos d’accommodements. De tous les exemples que vous donnez (hidjab, turban, poignard, niquab, burka, centre de prière dans l’espace publique, vitre opaque etc.. ), le seul qui implique une « contrainte» au public est l’installation d’une vitre opaque pour cacher un peu de peau féminine à la vue des hassidims. Lorsque contrainte il y a, elle vient plutôt de jugements de cour obligeant des «accommodements» à des habitudes culturelles ou religieuses. En vérité, ce qui nous dérange, c’est la «vue» de signes très différents et l’obligation imposée par les tribunaux.

      Le seul exemple de «demande d’infiltration du religieux dans les rouages de l’État» est la tentative de donner, en Ontario, une existence légale à des tribunaux fondés sur la charia. Sur ce point, la réaction largement consensuelle a envoyé un signal assez clair sur les limites aux accommodements. Mais je vais vous donner raison sur la nécessité et l’importance de définir des limites.

      John Locke, le premier penseur de la tolérance religieuse (et de la laïcité de l’État), a jadis défini les limites aux différences que la société peut accepter. La première de ces limites concerne les « dogmes » qui seraient « contraires à la société humaine et aux bonnes mœurs ». La formule laisse amplement d’espace à l’interprétation mais on peut penser qu’une société qui affirme l’égalité fondamentale des hommes et des femmes peut difficilement accepter qu’on réclame un traitement qui nie cette égalité sur une base religieuse. La seconde limite posée par Locke concerne ceux qui réclament « un privilège particulier et contraire au droit civil ». Ainsi, une prescription de nature religieuse ne saurait avoir préséance sur un contrat civil. Au Canada, c’est une limite qui a été franchie par la Cour suprême lorsqu’on a autorisé des juifs orthodoxes à ériger sur le balcon de leur condominium une « souccah » en contravention au règlement de leur immeuble. Le dernier interdit de Locke est le fait de passer sous « l’obédience d’un autre prince ». On peut penser ici aux djihadistes dont l’allégeance est évidemment envers un autre « prince ».

      Ces limites laissent encore une bonne place à l’interprétation, mais elles me semblent permettre les barbes et les chapeaux de toutes formes, les voiles et les foulards car ils ne sont en rien contraires aux «bonnes moeurs» et au droit civil. Ils sont certes très «différents» mais notre société est tout sauf uniforme.

      Le kirpan tombe-t-il dans la catégorie des «offenses aux bonnes moeurs» ou dans celle des «contraires au droit civil»? Ça se discute mais, en pratique, puisqu’il s’agit essentiellement d’un couteau symbolique, c’est encore une fois au niveau du symbole et de la différence que le malaise existe. Si nous regardons les choses en face, la dimension religieuse me semble s’effacer quasi complètement derrière la dimension culturelle. Cela dit, la nécessité de définir des limites n’en perd pas sa pressante nécessité. Sur ce point, je crois que nous sommes d’accord.

  3. Gerard St-Onge

    2011 08 15

    La » laïcité ouverte » plus permissive, est-elle une négation de la liberté de conscience ? Je crois que oui dans la mesure ou LE DROIT DE NE PAS PAS CROIRE EST AUSSI À PRÉSERVER QUE CELUI DE TOUTE CROYANCE .
    Si je travaille dans un hôpital, une école, un ministère etc,… et qu’une personne se présente en burka, niquab, ou réclame un lieu de prière 5 à 6 fois par jour , ou exige que sa femme soit vue par une femme, et bien oui, pour moi, il y a contrainte ; comme il y a des accommodements que je peux tolérer comme le hidjab, le turban, le poignard, mais comment satisfaire tout le monde ? et surtout comment être juste , sans légiférer ? Je suis d’accord pour mettre la¨ Laïcité ¨ comme valeur fondamentale inscrite dans la charte des droits et libertés au Québec.
    pour paraphraser Mr J. Locke il y violation du dogme de la liberté de conscience .
    Quand vous parlez des dimensions culturelles beaucoup de femmes en subissent encore le joug implacable.

    merci et bonne semaine

    Gérard St-Onge
    Rivière du loup

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